Anne Bizeau et le syndicalisme confédéré chez les instituteurs

Pour télécharger :
http://www.fichier-pdf.fr/2012/03/16/anne-bizeau-et-les-debuts-du-syndicalisme-confedere-chez-les-instituteurs/

Considérant qu'il est établi qu'aucun texte de loi ne dénie formellement aux instituteurs
le droit de former des syndicats ;
Que d'autre part, il n'est pas exact d'affirmer qu'il y ait une jurisprudence contre les
Syndicats d'instituteurs ;
Attendu qu'il s'est constitué, aussitôt après la promulgation de la loi de 1884, un Syndicat
des Membres de l'Enseignement, et, plus récemment, plusieurs syndicats
d'instituteurs, sans que l'autorité judiciaire s'en soit émue, et que les poursuites contre les
associations syndicales d'instituteurs n'ont commencé que sur l'injonction du pouvoir
exécutif ;
Considérant cependant que si ni la loi ni la jurisprudence n'interdisent aux
associations d'instituteurs la forme syndicale, elles ne la leur reconnaissent pas
formellement non plus ;
Et qu'il appartient dès lors au pouvoir législatif d'en décider ;
Considérant qu'un projet de loi ayant cet objet est en instance devant le Parlement et
qu'il doit venir prochainement en discussion ;
Les instituteurs syndicalistes croient devoir, dans le but d'éclairer l'opinion publique et le
pouvoir législatif sur ce qu'ils se proposent en recherchant la forme syndicale, faire la
déclaration suivante :
" Si l'on admet qu'il soit dans la nature des choses et de l'intérêt supérieur de l'Etat
que la capacité syndicale soit refusée aux agents qui détiennent une portion de la puissance
publique, on ne saurait s'en prévaloir pour dénier aux instituteurs le droit de se constituer
en syndicats. Notre enseignement n'est pas un enseignement d'autorité. Ce n'est pas au nom
du gouvernement, même républicain, ni même au nom du Peuple français que
l'instituteur confère son enseignement : c'est au nom de la vérité. Les rapports
mathématiques, les règles de grammaire, non plus que les faits d'ordre scientifique,
historique, moral, qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations
d'une majorité.
" Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de toute son
autonomie, et les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance. Or, cette
autonomie du corps enseignant primaire et cette indépendance de ses membres ne
peuvent être pleinement réalisées que par la constitution en Syndicats des Associations
professionnelles d'instituteurs.
" Les instituteurs syndicalistes croient, d'autre part, être dans le sens de
l'évolution républicaine en réclamant pour leurs groupements corporatifs la forme
syndicale, comme étant la seule qui convienne à l'organisation démocratique de
l'enseignement primaire, qu'ils sont résolus à poursuivre.
"Les instituteurs sont, en effet, décidés à substituer à l'autorité administrative,
qui avoue son impuissance devant les ingérences politiques et aux influences politiques
auxquelles ils ont été jusqu'ici obligés d'avoir recours pour corriger les injustices
administratives, la force syndicale.
" Les instituteurs réclament la capacité syndicale pleine et entière. Toutefois,
il est profondément injuste d'affirmer que leur préoccupation soit de conquérir le droit
de grève. C'est, ils y insistent, dans une pensée d'organisation républicaine qu'ils
demandent au Pouvoir législatif de leur reconnaître la capacité syndicale.
" C'est, enfin, pour des raisons morales de l'ordre le plus élevé, que les
instituteurs réclament le droit de se constituer en Syndicats. Ils veulent entrer dans les
Bourses du Travail. Ils veulent appartenir à la Confédération Générale du Travail.
" Par leurs origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs
appartiennent au peuple. lis lui appartiennent aussi parce que c'est aux fils du peuple qu'ils
sont chargés d'enseigner.
" Nous instruisons les enfants du peuple, le jour. Quoi de plus naturel que nous
sonnions à nous retrouver avec les hommes du peuple, le soir ? C'es t au milieu des
Syndicats ouvriers que nous prendrons connaissance des besoins intellectuels et moraux du
peuple." C'est à leur contact et avec leur collaboration que nous établirons nos programmes
et nos méthodes.
"Nous voulons entrer dans les Bourses du Travail pour y prendre de belles leçons
de vertus corporatives, et y donner l'exemple de notre conscience professionnelle.
"Nous avons, de la forme syndicale, la plus haute conception. Le Syndicat ne
nous apparaît point créé uniquement pour défendre les intérêts immédiats de ses
membres, mais il noua semble qu'il doit se soucier autant de rendre plus profitable à la
collectivité la fonction sociale que ses membres remplissent.
"Les Syndicats doivent se préparer à constituer les cadres des futures
organisations autonomes auxquelles l'Etat remettra le soin d'assurer sous son contrôle et
sous leur contrôle réciproque, les services progressivement socialisés.
" Telle est la conception syndicale que nous voulons porter dans les Bourses du
Travail. Et telles sont les raisons, d'ordre théorique et d'ordre pratique, pour lesquelles
nous demandons au Pouvoir législatif de reconnaître aux associations professionnelles
d'instituteurs la capacité syndicale.
"Et en attendant, nous engageons tous les instituteurs syndicalistes à adhérer aux
Syndicats déjà existants.

Manifeste des instituteurs syndicalistes

Hélène BRION



(26 Novembre 1905)

Extrait : La grande guerre
L'utopie de la solidarité internationale des ouvriers contre la guerre n'a pas résisté à la vague nationaliste. L'assassinat du pacifiste Jean Jaurès marque le début du ralliement de la majorité de la gauche à la lutte contre l'agresseur allemand. C'est « l'union sacrée ».
         Après la mobilisation générale, l'état-major de la fédération s'est réduit au trésorier Loriot et à Hélène Brion qui prend le poste de secrétaire générale. Celle-ci n'a pas craint d'afficher ses positions pacifistes dès le 30 juillet 1914 dans un article de « la bataille syndicaliste ». Toutefois, en militante disciplinée, elle se rallie à la position majoritaire de la SFIO et de la confédération qui soutient « la guerre du droit ». Pourtant le courant pacifiste, quoique minoritaire, se développe. Au congrès de la Grange-aux-belles en août 1915, le conseil fédéral, en opposition avec les positions nationales, se prononce en faveur de la propagande pacifiste. Hélène Brion y adhère avec soulagement, comme elle l'avouera à un ami : « C'est vrai, dira-t-elle, j'ai cru, entraînée comme tant d'autres, à la guerre du droit et de la justice ; mais je reconnais maintenant que je me suis trompée et je considère cette erreur comme la plus grande faute de ma vie. »
         Au congrès de Paris en 1915, elle milite pour le rétablissement de « L'internationale » et devient membre du comité pour la reprise des relations internationales.
         Dès lors, elle mène une intense action de propagande pacifiste, participe à de nombreuses réunions, à la diffusion de tracts, de publications interdites, etc. Elle poursuit aussi son action féministe en adhérant au « comité intersyndical d'action contre l'exploitation de la femme ».
         À Pantin, en dehors de ses devoirs pédagogiques, elle se montre admirable de dévouement envers les personnes les plus touchées par la guerre. C'est elle qui organise notamment les « soupes populaires », n'hésitant pas à éplucher elle-même les légumes.
         La police la surveille de près. On perquisitionne à son domicile pour y trouver des documents compromettants. On enquête sur elle. On demande un rapport à son inspectrice pour savoir si elle se sert de ses élèves pour la diffusion de tracts pacifistes. Déjà plusieurs membres de l'enseignement, dont les époux Mayoux, des Charentes, ont été poursuivis.
         Inculpée et suspendue sans traitement le 27 juillet 1917, elle n'est officiellement arrêtée que le 17 novembre et incarcérée à la prison pour femmes de Saint-Lazare où avaient été enfermées Louise Michel et l'anarchiste Jeanne Humbert. Elle comparait devant le Conseil de guerre du 25 au 31 mars 1918, avec son filleul, frère d'une de ses amies, Gaston Mouflard, accusé pour les mêmes motifs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire