Anne
Adélaïde CHAMBONNIERE, épouse BIZEAU,
institutrice syndicaliste ,libertaire,
pacifiste et féministe
(1882 - 1973)
Si
la mémoire collective a retenu le nom d'Eugène BIZEAU, poète
anarchiste, pacifiste, anticlérical, vigneron, décédé en 1989 à
l'âge de 106 ans dans sa Touraine natale, le nom de sa compagne,
Anne BIZEAU mérite d'être honoré à plus d'un titre.
Adélaïde,
Anne CHAMBONNIERE née à Trémouille, petit village du Cantal, le 22
mars 1882. Après avoir suivi ses études en École
Primaire Supérieure et brillamment obtenu le Brevet Supérieur, elle
devient institutrice à Menet (Cantal).
Le
syndicalisme étant interdit aux fonctionnaires, comme la plupart des
instituteurs, elle fait partie d'une amicale et devient en décembre
1912, secrétaire-adjointe de l'Amicale des membres de l'Enseignement
Primaire Public du Cantal.
Parallèlement
aux amicales qui sont sous la coupe des Inspecteurs d'Académie, les
instituteurs combattent pour une vraie syndicalisation liée au
mouvement ouvrier.
Anne
CHAMBONNIERE, avec d'autres instituteurs se reconnaît dans le
« Manifeste
des Instituteurs Syndicalistes »
(1905) qui revendique l'indépendance du corps enseignant par rapport
à l'Etat représenté par les Inspecteurs d'Académie :
« ...Le
corps des instituteurs a besoin de toute son autonomie (…) qui ne
peut être réalisée que par la constitution en syndicats des
associations professionnelles d'instituteurs (…) décidés à se
substituer à l'autorité administrative impuissante devant les
ingérences politiques (…). Les instituteurs réclament le droit de
se constituer en syndicats, entrer dans les bourses du travail. Ils
veulent appartenir à la Confédération Générale du Travail. Par
leurs origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs
appartiennent au peuple... ».
Tout
en étant par « obligation
professionnelle »
tenue de rester dans l'amicale, elle va adhérer, suite au Congrès
de Nantes (mars 1907), à la « Fédération
Nationale des Instituteurs et Institutrices à la CGT »
qui deviendra en 1915 le « Syndicat
des instituteurs »
faisant paraître la revue « L'émancipateur ».
Mais
depuis longtemps, parallèlement à l'action syndicale, Anne
s'investit dans le combat féministe. Elle fonde le Groupe
féministe cantalien »
dont elle sera la secrétaire durant de nombreuses années, en
particulier durant la guerre de 1914 – 1918, où ce groupe prendra
des positions solidaires envers les institutrices réprimées pour
dénonciation de l'état de guerre, pour appel à la paix etc.
En
1916, son parcours de féministe et de pacifiste se radicalise,
influencé en partie par sa rencontre et mariage avec Eugène BIZEAU
dont elle partage les idées.
Le
couple s'installe à Massiac dans le Nord Cantal, où elle est nommée
directrice de l'école maternelle. Le couple aura deux enfants, Max
et Claire.
En
1919, elle fondera le syndicat départemental de l'enseignement dont
elle assurera le secrétariat de 1919 à 1924. Anne BIZEAU
s'intéressera particulièrement à la dénonciation des livres
scolaires chauvins, prônant le nationalisme et le patriotisme.
Mais
nous sommes en juillet 1917. Dans la France en guerre depuis trois
ans la chasse aux instituteurs pacifistes, ouverte depuis des mois
s'intensifie à coup de poursuites judiciaires et de révocations.
Aussi, Anne BIZEAU au sein de l'amicale, comme dans le syndicat, mène
inlassablement des campagnes de solidarité en faveur des enseignants
poursuivis, condamnés et révoqués pour délit d'opinion,
défaitisme, comme les époux MAYOUX par exemple.
Ceux-ci,
instituteurs pacifistes ont eut le tord de faire paraître une petite
brochure intitulée : « Les
instituteurs syndicalistes et la guerre »
ce qui leur a valu d'être suspendus de leur fonction.
Immédiatement
Anne BIZEAU réagit dans un article du journal de l'Amicale :
« Le
Conseil d'administration de l'amicale, considérant que les camarades
Mayoux ont été révoqués pour délit d'opinion demande l'amnistie
et la réintégration dans l'enseignement... ».
Dans
la même période, elle va mobiliser les Amicales et les syndicats du
Cantal pour défendre d'autres instituteurs réprimés pour avoir
exprimé leur pacifisme, comme Gabrielle BOUET ou Hélène BRION.
Cette dernière, institutrice, porte-parole du courant pacifiste au
sein de la CGT., est empêchée par la police de se rendre à la
conférence pacifiste de Zimmerwald (1915). Son domicile est
perquisitionné en juillet 1917, elle est suspendue sans traitement
avant d'être arrêtée en novembre pour « propagande
défaitiste »
et incarcérée dans la prison des femmes de Saint-Lazare.
Eugène
BIZEAU lui consacrera un poème :
« Vous
disiez avec foi : « La guerre est un fléau »
Désarmons
la rancoeur humaine
Au
lieu d'entretenir le culte de la haine
Donnons
à la jeunesse un idéal plus beau... »
Anne
BIZEAU n'a pas attendu de rencontrer son compagnon Eugène pour
s'adonner à la poésie. Après un premier recueil, « Les
ailes de soie »,
elle fait paraître un deuxième livre, « Souvenance »,
préfacé par Paul GUTH, qui la surnomme la « Fée
d'Auvergne ».
Dans
ce livre, elle se souvient de son frère, mort à la guerre en 1917,
et crie son antimilitarisme dans « Le
temps des folies »
(extrait) :
« (…)
Ils attendaient qu'on les désarme
Ces
enfants de leur chair meurtrie,
On
les coucha dans la prairie,
Ah
! Maudit soit le temps des armes... »
Même
opposition à la guerre, dans le poème « Ils
sont tombés »
(extrait) :
« Ils
sont tombés comme les blés
Les
gars si fiers de leurs vingt ans
Ils
sont tombés comme les blés
Sans
avoir mangé leur pain blanc !
Ils
sont tombés comme des fruits,
des
fruits amers en leur verdeur,
Ils
sont tombés comme des fruits,
Sans
épuiser tous les bonheurs... »
Ou
encore, « Automne
1914 »
(extrait) :
« ...Les
hommes tombent follement
Dans
le vent qui souffle en rafales
C'est
la chanson des noirs autans
Les
balles sifflent sur les dalles
Sifflent,
mortelles dans le vent
Les
hommes tombent follement ».
Avec
Eugène, son compagnon elle aura partagé les combats émancipateurs.
Tous
deux ont été également des passionnés de poésie durant toute
leur vie, et le virus de la poésie aura été transmis à leur fils
Max qui a édité trois recueils de poèmes et un livre « Au
nom d'un fils »,
avec des dessins de CABU, qui illustra également les recueils du
père, Eugène BIZEAU : « Verrues
sociales »,
« croquis
de la rue »
et « Guerre
à la guerre ».
A
la fin de la première guerre mondiale, le couple BIZEAU,
infatigable, participera au combat pour les amnisties des
réfractaires à la guerre, avec les syndicalistes et les
révolutionnaires, et soutiendra le combat pour la réhabilitation
des fusillés pour l'exemple.
Poème
« Amnistie » (extrait) :
« Amnistie
! Amnistie aux soldats en révolte
Contre
l'autorité brutale et désinvolte
Qui
leur mit sur le corps des guenilles sans nom
Pour
qu'ils soient « jusqu'au bout » de la chair à canon !
Amnistie
! Amnistie à tous les réfractaires
Qui
n'ont pas accepté les jougs héréditaires
Et
qui n'ont pas servi, comme des instruments
Les
projets monstrueux de leurs gouvernements !... »
Une
sacrée famille, je vous l'assure !
Pacifiste,
antimilitariste, féministe, syndicaliste et libertaire, Anne
méritait bien d'être honorée !
Michel
Di Nocera,
secrétaire
de l'Association Laïque des Amis d'Anne et Eugène BIZEAU*
- L'Association rend hommage aux Bizeau, chaque année, à Massiac (Cantal) durant lequel se tient une conférence, éditée ensuite dans les « Cahiers Anne et Eugène BIZEAU ».
- Pour plus d'informations, le blog de l'Association : http://lesamisdebizeau.blogspot.fr/
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