mercredi 19 novembre 2014

Eugène Bizeau : Hommage à Paul-Louis Courier (1972) et son fils Max-Olivier le chante

A VOIR et LIRE sur le site "Paul-Louis COURIER, épistolier, pamphlétaire et hélleniste (1772-1825)

Eugène Bizeau jeune     Quand il parlait de Paul-Louis Courier, il aimait à rappeler que sa grand-mère fut la dernière personne à avoir vu M. Courier vivant.

« J’ai connu un temps où les paysans vivaient misérablement. Ils vendaient leurs plus beaux produits pour en tirer un peu d’argent et mangeaient des déchets. En travaillant chez eux, je me suis rendu compte de l’exploitation qu’ils subissaient. Leurs maisons étaient toutes délabrées. Dans cette région, alors couvertes de vignes, ils devaient travailler comme des forcenés, bêcher la terre de l’aube jusqu’à la nuit noire. Je suis devenu anarchiste devant le spectacle de pareilles iniquités […]
A quatorze ans, je me suis abonné au Père Peinard, d’Emile Pouget, et j’ai lu ensuite les écrits de Louise Michel, Sébastien Faure, Proudhon et Blanqui. Les œuvres de Paul-Louis Courier, qui vécut ici au début du siècle dernier et défendit les droits des ouvriers agricoles, ont eu aussi une grande influence sur mon évolution. »
(Rencontre avec Eugène Bizeau, article de Pierre Drachline dans Le Monde aujourd’hui, dimanche 29, lundi 30 septembre 1985)
Salut, vieux pamphlétaire…
Salut, vieux pamphlétaire à la plume indomptée !
Vigneron dont le vin réconforte l’esprit…
Salut COURIER ! salut à la libre pensée
Qui répand sa lumière en tes meilleurs écrits !

Pour tes pamphlets, piquants, comme des coups d’épée,
On t’a couvert, jadis, de fange et de mépris ;
Et l’on t’a fait rejoindre, en leur tour désolée,
Ceux qu’on jette en prison pour étouffer leurs cris…

Mais le soleil des temps nouveaux, qui nous éclaire,
Fera germer le grain du bon sens populaire
Qui fustige avec toi les horreurs du passé ;
Fiers de ton idéal, qu’un noble amour féconde,

Libres et fraternels aux quatre coins du monde,
Les peuples dans la paix pourront un jour danser…
Comme «les villageois de Véretz et d’Azay» !


Au champion du bon sens et de la liberté…
Courier, « vil pamphlétaire », osa dire un ilote
Qui fut toqué d’hermine et procureur du roi,
Ton nom reste plus haut qu’un étendard qui flotte…
Et fait briller les yeux qui sont tournés vers toi !

Aussi, pour célébrer ton double centenaire,
Les fleurs du souvenir viennent de toutes parts ;
Et rien ne reste plus du triste mercenaire
Que les mots pleins de fiel d’un chatfourré blafard…

Ceux que tu défendais n’avaient ni bois, ni terres,
Ni pavillons blottis dans les bosquets ombreux ;
C’étaient des paysans, c’étaient des prolétaires
Qu’on écrasait d’impôts et qui restaient des gueux.

Ces manants affranchis ne payaient plus la dîme ;
Depuis Quatre-vingt-neuf leur sort avait changé,
Mais ils étaient brimés par l’insolent régime
Où régnaient la noblesse et le très haut clergé.

Vignerons tourangeaux ou maçons de la Creuse,
Mal nourris, mal vêtus, traités comme un bétail,
Ils n’avaient même pas la liberté joyeuse
De danser quelquefois sous les tilleuls du Mail.

Le droit qu’on leur donnait c’était de ne rien dire
Contre l’autorité des bourboniens repus,
Contre leurs estafiers qui se faisaient maudire
En étouffant la voix des éternels vaincus.

Au rythme des saisons, c’étaient toujours les mêmes
Qui se courbaient sans fin sur un labeur ingrat ;
« Leurs gestes de semeurs » étaient de beaux poèmes :
- Et c’est Victor Hugo, plus tard, qui le dira…

Mais quand ils avaient fait la moisson la vendange,
Monté dans les greniers les sacs remplis de blé,
On leur fermait au nez les portes de la grange,
On verrouillait la cave à triple tour de clé !

Courier, nous t’admirons, nous, les gens du village
Où chacun parle haut sans fermer les volets,
Pour ce qu’on appelait tes « écarts de langage »,
Pour ton « Simple discours », tes lettres, tes pamphlets !

Et malgré le regain des basses calomnies
Qui voudraient salir l’homme et flétrir l’écrivain,
Pour « Daphnis et Chloé », pour leur grâce infinie,
Nous aimons l’helléniste et sa vigne et son vin…

Entre la Chavonnière et Sainte-Pélagie,
Que de tourments cruels en ton cœur angoissé,
Jusqu’au jour où survint l’horrible tragédie
Dans ce qui fut jadis ta forêt de Larçay !

Servir les pauvres gens fut ta plus noble gloire,
L’apostolat d’un juste au sort immérité,
Qui fut et qui demeure au livre de l’histoire
« Le champion du bon sens et de la liberté ».

Courier, d’un cœur ému, j’épands des fleurs nouvelles
Sur le tombeau glacé qui fut ton dernier lit…
On a voulu sur toi jeter l’ombre et l’oubli,
Mais tu restes vivant dans ton œuvre immortelle !

Max-Olivier Bizeau chante Paul-Louis Courier


Max-Olivier Bizeau
Max-Olivier BizeauMax-Olivier Bizeau
 
Mi-Tourangeau, mi-Auvergnat, Parisien d’adoption sur la colline de Saint-Cloud, Max-Olivier Bizeau fut enseignant puis haut-fonctionnaire, rue Saint-Dominique et Quai d’Orsay. Il anima avec lustre les Jeux Floraux de Touraine, au Prieuré de Saint-Côme, dernière demeure de Ronsard, aux châteaux de Loches et d’Artigny. Membre de Poésie sur Seine et d’Art et Poésie de Touraine, il est l’auteur de six recueils préfacés par Paul Guth, Françoise Chandernagor, Edmonde Charles-Roux, Yves Bonnefoy…, illustrés en couverture par Léonor Fini, Cabu, Piem…
Le dernier, Carré de dames, est remarqué par cinq maires dont celui de Tours, Jean Germain.
Max Bizeau, né en 1918 est le fils d’Eugène Bizeau, poète libertaire dont s’honore le Val de Loire. Il a conservé la maison de ses parents au cœur de Véretz.





Paul-Louis Courier
(Un destin)
Intraitable juste, sinon insigne sage
A-t-il jamais eu vent de la boutade
Du Vert-Galant, contraint de fuir les quais du Louvre :
« Je regretterai ma femme… et la messe !  »

De cet empire des jupons et des soutanes
Paul-Louis se moqua comme d’une guigne
Du verger de la Chavonnière
Pamphlétaire craint, il va s’insurger
Contre tous les abus d’un clergé à la dîme
Qui vide les bals de village
Pour emplir ses chapelles, à l’heure de l'office
Au grand dam des danseurs rustiques
Férus d’accordéon, plus que de grandes orgues
Hobereau bourru, peu lui chaut d’être galant
Il enlève à Paris la jolie citadine
Dont il fera une tourangelle forcée
Trop jeune pour lui, non pour son valet.

Courier, abattu en forêt comme un gibier !
Au plomb, lui qui nargua les balles autrichiennes
Fut-ce jalousie d’amant fruste
En déguisement d’un obscur complot
Qu’annonçait la prophétique menace :
« Prends garde Paul-Louis, les cagots te tueront  » !


Décembre 2009

Veretz

Véretz (an 2000)

Véretz, mon beau village
Ne mésestime les attraits
Dont la nature et l’homme t’ont pourvu
Ton mail et sa rampe d’enclos
Contenant ses ormes
Bacchus, fontaine à tête d’angelot
Pudique émule d’un certain Manneken-piss
Ton clocher dont le coq hardi
Outragé jadis par des Prussiens désœuvrés
Annonçait la pluie disaient les anciens
Quand il regardait vers les poules à Auger
Et, dame assise prenant ses aises
Ton église reculant vers la chaussée
Cette rue chaude autrefois dévolue
Au repos du marinier…
Ton école Jules Ferry devenue maison commune
A hauteur d’un château aux riches heures
Se mirant dans le Cher
Où prenait bain la belle Gabrielle
Que son royal visiteur aimait succinctement lavée
Ton vieux pont aux voutes de cave à vin
Ton champ clos où dorment ceux que j’aimais
Garde ta quiète apparence
Crains qu’une insidieuse capillarité
Ne te change au fil des jours, en banale banlieue
Que jamais ne se galvaude ton titre de village
Toi qui t’honores d’un médaillon de Paul-Louis
Chantre de ces paysans qu’on empêchait de danser
Le dimanche, à l’heure des vêpres…

(Extrait de L’orchidée rouge, Christian Pirot, 2004)

lundi 20 octobre 2014

Aux Fusillés morts par la France


Strophe 1

Vous aimez glorifier à chaque onze novembr'
Cett' chèr' « Union sacrée », conservée sous la cendr'
Encor' chaud' des charniers où la class' ouvrièr'
paye éternellement vos folies meurtrièr'.

Pas de fleur au fusil, en pantalon garanc'
Des mômes de vingt ans avec la peur au ventr',
Au beau temps des moissons, partaient tous pour Berlin
Mourir pour l' Capital, comm' leurs frères prussiens.

Jamais vous ne parlez de ces homm' pris au pièg',
La parole muselée grâc' à l' « Etat de sièg' »
Offrant aux généraux le pouvoir nécessair'
D' fusiller sans procès des centain' d' réfractair'.

Refrain
La nuée porta l'orag', en 14, fin juillet
Quand Jaurès fut le tout, tout premier fusillé,
Quand Jaurès fut le tout, tout premier fusillé...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 2

Georges crevait de peur, tout seul dans sa tranchée,
Abandonnant son post', sans but s'en va marcher.
Crevant toujours de peur, adossé au poteau,
Il se pisse dessus, se fait trouer la peau.

L'articl' deux cent dix huit du code militair'
Traite des insoumis, dit comment les fair' tair'.
Six balles de révolver, un frêle corps s'écroul' ;
C'est ainsi que périt à dix-neuf ans, Raoul.

Combien d' horreurs vécues, quelles circonstances
Amèn' à ce qu'un homm' s'injecte de l'essenc' ?
Mais pour le médecin, l'automutilation
Du soldat Henri, exig' son exécution.

Refrain
Des badernes galonnées planquées loin d' la bataill'
Firent abattr' sans remords des homm' comm' du bétail,
Firent abattr' sans remords des homm' comm' du bétail...
...Pour exemple
...Pour exemple
...Pour exemple

Strophe 3

Combien d'hommes abattus sans mêm' être jugés ?
Combien d'hommes innocents dans vos semblants d' procès ?
Si vous aviez pu le fair' vous auriez fusillé
Ceux qui par la pensée essayaient d' déserter !

Combien d'hommes victim' d' la machin' judiciair',
Les obligeant de tuer leurs camarades, leurs frères
Avec qui la veille ils parlaient de liberté,
De paix, de pacifism', d'amour, d'humanité ?

Les prêtres qui comm' vous, haïssent tant la gueus'
Vous ont même prêté une Eglis' dans la Meus' ;
Image éternelle du sabr', du goupillon
Rêvant d' soumettr' les homm', d'leur coller des bâillons.

Refrain
Difficile d' fusiller des millions d'homm' apeurés !
Deux-mille quatr' cents homm' furent donc condamnés.
Deux-mille quatr' cents homm' furent donc condamnés...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 4

Les homm' tombent bien loin des salons de Bordeaux
Où Pétain prépar' avec quelques généraux
Une prochaine guerr', d'autres chemins des Dam'
Pour construire l'Europ' dans le fracas des arm'.

Contre la barbarie qui partout s'éternis'
Partout dans les tranchées des hommes fraternis'.
La chanson de Craonn' et l'appel des soviets
Crient fort : « Non à la guerr' !» en ce printemps dix sept.

Et ce sont les troufions qui se déclar' en grèv',
C'est enfin de l'espoir à la place du rêv',
C'est l'appel de Kiental qui est enfin entendu,
Ce sont les cross' en l'air, c'est l'honneur des poilus.

Refrain
Alors que de partout les soldats se mutin',
Vous fusillez encor' au camp de la Courtin',
Vous fusillez encor' au camp de la Courtin'...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 5

Quel est donc ce pays, quelle est cett' Républiqu'
Qui préfèr' glorifier avec la Sainte cliqu'
L'horreur d'une guerr' inscrivant sans remords
Des millions de noms aux monuments aux morts ?

Tombés au front ou par vos balles fusillés
Les hommes eurent la même pein', le mêm' prix à payer
Pour que sur les boul'vards, comm' le dit la chanson
les gros tirent profit de leur chair à canons.

Tous ces hommes sont morts sans laisser d'notes de frais
Et vous n' chiffrez jamais l' sang qu'ils vous ont versé !
Il faudra bien qu'un jour, si possible demain
La note vous soit remis' par tout le genre humain.

Sachez que vous aurez, vous, droit à un procès !
A votre avis quel prix il vous faudra payer ?
A votre avis quel prix il vous faudra payer ?...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 6

Que vos guerr' chang' de nom, se dis' humanitair'
Ce sont les mêm' bourreaux de la class' ouvrièr',
Les Thiers, les Clémenceau jetant en foss' commun'
Jean Jaurès avec tous les enfants d' la Commun'.

Vos monuments aux morts flatt' les militarist'.
Nos monuments à nous honor' les pacifist' ;
Orphelins de Gentioux, de Saint-Martin d'Estreaux
Vous ont jugé coupabl', vous et vos généraux.

Six cent cinquant' soldats abattus par la Franc'
Attend' qu'on reconnaiss' leur liberté d' conscienc',
Qu'enfin soit reconnu le refus d'obéir,
Le droit de vivre libr', pas celui de mourir !

Refrain

Pour que l'Histoire cess' d'être salie, souillée,
Vous réhabilit'rez tous les homm' fusillés,
Vous réhabilit'rez tous les homm' fusillés...
...pour l'exemple
...pour l'exemple

...pour l'exemple



poème de Michel Di Nocera
déposé à la SACD

Aux mutins de la Courtine


1ère strophe
Débarqués à Marseill', avril 1916,
Pour aider à la guerr' et mourir dans la glais'.
Paysans d'la Volga, ouvriers moscovit',
Nombreux furent livrés par la Russie tsarist'.
Aux ordres du boucher, l' Maréchal Palitzin',
En rang pour l'abattoir, direction premièr' lign',
Avril 1916, c'est l'appel de Khiental
Criant :  «  non à la guerr', et guerre au capital » !

Refrain
Boucherie de 14/18
Echangés contre des fusils
Combien vaut la peau d'un moujik

2ème strophe
Il faut apprendre vit ' la guerre de tranchée,
Mettre les masques à gaz, subir les coups de fouet,
Du front de Champagne jusqu'au Chemin des dam'
Apprendre à avoir peur, sentir l'odeur des flamm',
Voir les copains hurler, tomber au champ d'horreur
Pour enrichir les gros, tous ces accapareurs
Alors que cependant dans la Russie, à l'Est
La révolte fleurit en ce printemps 17.

Refrain

3ème strophe
Nicolas II abdiqu', Kerenski le remplac',
Veut continuer la guerr' sans se soucier des mass'.
Dans toute la Russie le peuple se soulèv'
Et sur le front en Franc', les fusils s' mettent en grèv'
La 1ère brigad' s'organise en soviet
Les drapeaux roug' fleuriss' le 1er mai 17 :
« Viv' les soviets d' soldats, et à bas la guerre »
La Russie a besoin de tous les prolétair'.

Refrain


4ème strophe
La rébellion s'étend, l'Etat-major a peur
Il faut vite isoler, et mater ces meneurs.
Au camp de la Courtin' arrivent un 26 juin
10300 soldats gardant leur arm' au poing.
Durant quelques semain' avec les habitants
Les amitiés se nouent dans le travail aux champs.
Les soldats en soviet, expuls' leurs officiers
Réclament de revenir d'où on a les chassés.

Refrain

5ème strophe
10 heures, le 16 septembr' l'assaut est décidé,
Fin de l'ultimatum pour les chefs, les gradés.
D' un côté les canons, de l'autr' la marseillais'
Chantée par les mutins cernés dans la fournais'.
Dans un villag' creusois tragiqu' mois de septembr'
Où par milliers des homm' refusèr' de se rendr'.
Deux jours de canonnad', 800 obus tirés,
Et l'on voudrait fair' croir' qu'il n'y eut que neuf tués !

Refrain

6ème strophe
Pour avoir refusé les ordres militair'
Exigé de partir se battre avec leurs frèr'
Combien de survivants, combien d'emprisonnés,
Combien sont revenus de longs travaux forcés.
Cent ans nous sépar' de ces révolutionnair'
Nous sommes aujourd'hui leurs seuls dépositair'.
L'histoir' des mutins c'est celle du pacifism'

Des peuples laborieux contr' le capitalism'.


poème de Michel Di Nocera
Mis en musique par Hélène OHIER
texte déclaré à la SACD